Marre de cette cage

Le propriétaire de l’endroit était extrêmement mielleux lorsqu’il s’adressait à madame Mack. Elle était l’une de ses clientes les plus bénéfiques pour son petit marché. Le nombre d’hybrides qu’elle avait achetés chez lui dépassait tout ce qu’il aurait pu imaginer. Et aujourd’hui, elle était de retour. Il lui en fallait un autre. Le dernier était tombé malade et avait rendu l’âme dans des conditions étranges. C’est regrettable. « Mais pas de souci, ma chère dame. Je vous trouverai un compagnon digne de ce nom. » Lois Mack était une cliente difficile et exigeante. Il fallait la traiter avec déférence et ne pas la prendre pour une idiote : elle semblait voir toutes les failles dans les beaux discours. Le gros bonhomme s’essuya le front quand elle refusa un troisième spécimen qu’il lui avait pourtant chaudement conseillé. Il allait lui montrer celui qu’il gardait en réserve ; une rareté une beauté une merveille ! disait-il. Mais avant qu’il n’atteigne le rideau de la porte, sa cliente s’était arrêtée près d’une cage.

À l’intérieur de cette cage, un neko avait attiré l’attention de Lois. Il n’avait rien de spécial à proprement parler. C’était quelque chose, dans la forme du visage et dans le regard. Il lui ressemblait. Elle agita nerveusement les doigts en s’accroupissant pour se retrouver au niveau de l’animal. Elle plongea son regard ardent dans le sien. Le gros vendeur revint près d’elle et l’avisa que ce spécimen était un bâtard sans intérêt. Elle le fit taire d’un geste raide de la main.

-C’est lui que je veux. Il fera parfaitement l’affaire.

Ce serait lui … son nouveau fils.

« Mais regardez, ce neko vien de la rue! Il n'est pas bien éduqué du tout et... » Cet homme finirait par l’agacer franchement, cette grande dame. Elle fronça les sourcils, signe, habituellement, qu’il était temps de cesser de la contrarier. Mais avant que l’homme ne s’en aperçoive de lui-même, une voix, légèrement fluette, s’éleva et le remit à sa place.

-Il me semble que ma maîtresse t'as dit qu'elle m'avait choisit...

Miss Mack eut un sourire satisfait et lança un regard approbateur en direction de la cage. Ça n’était pas un regard couvant, ni maternel, ni aimant. Non. Elle appréciait seulement de voir que cet enfant l’avait reconnue comme elle l’avait reconnu. Le vendeur l’invita à la suivre et lui fit signer quelques papiers. Il ne dit rien, mais il se tamponna le front avec un mouchoir quand elle eut tout signé. Il devait avoir longtemps cru qu’il ne se débarrasserait jamais de ce jeune animal. Après tout, les hybrides provenant de la rue étaient rarement bien vus par la population. Non pas qu’un hybride puisse être bien vu … de toute façon. La cliente ramassa son sac à main et salua le vendeur, qui resta sagement dans son bureau alors qu’elle retournait dans la boutique, une clé à la main. Il lui avait donné une laisse, aussi. Mais elle l’avait rangée dans son sac. Elle ne s’en servirait pas. Pas aujourd’hui. Pas à moins de ne pas avoir le choix. Elle se planta devant la cage de son nouveau protégé et déverrouilla la porte, qu’elle ouvrit tout grande. Elle se pencha alors.

-Comment tu t’appelles, mon petit ?